Interview à la Future News - 20 juillet 2010
Q : Votre Excellence est-ce que les incidents qui se sont déroulés entre la FINUL et population au Sud sont clos, vous dites on verra, comme si vous n’êtes si sûr, pourquoi ?
R : Je pense qu’ils sont clos. Jusqu’à quand ? Je ne le sais pas. Je crois qu’il y a un grand effort de toutes les parties concernées, des hommes politiques libanais, des responsables qui ont une autorité sur le terrain pour essayer de mettre ces événements assez tristes derrière nous. Il y a eu un engagement du gouvernement libanais. Celui-ci a publié un communiqué de presse après le Conseil des Ministres. C’est un communiqué qui a d’ailleurs été salué par le Conseil de sécurité, et un certain nombre d’engagement ont été pris, par exemple celui de renforcer le nombre des soldats libanais au Sud du Litani. Ce sont des engagements qui étaient préparés à l’avance, je comprends, et leur annonce est survenue au bon moment. Nous attendons de voir, avec confiance, et nous n’avons pas de raison de mettre en cause la parole des responsables, que cet engagement se concrétise sur le terrain.
Q : Vous avez qualifié ces incidents d’inacceptables, ce qui m’a attiré l’attention en fait c’est que vous les avez qualifié d’inacceptables après leur déroulement. Comme si, permettez-moi de faire une analyse là-dessus, vous dites écoutez, l’autre fois on n’a pas réagi, mais cette fois-ci on va réagir. Réagir comment ? Formez une force de frappe au sein de la FINUL, changer les règles d’engagement.
R : Mais vous auriez attendu que je m’exprime sur le sujet, que je qualifie ces incidents inacceptables, avant même qu’ils ne se produisent ? Cela n’a aucun sens. Parfois la diplomatie a besoin d’un peu de recul. C’est vrai que nous avons considéré que ces incidents étaient graves, par leur nature. Maintenant nous considérons que ces incidents sont inacceptables effectivement. Le porte-parole du Quai d’Orsay a utilisé une autre expression, il a dit qu’ils suscitaient l’incompréhension. Pourquoi l’incompréhension ? Parce que les forces des Nations Unies, la FINUL, ont un mandat précis, à la demande des autorités libanaises, un mandat international élaboré par le Conseil de sécurité en concertation avec le gouvernement libanais de l’époque, qui était le Premier Ministre Siniora, qui est intervenu dans les discussions. Nous avons tenu compte dans l’élaboration de cette résolution de la nécessité que cette résolution favorise l’affirmation de l’autorité de l’Etat libanais au Sud-Liban. Donc, oui, ces forces de la FINUL sont là pour un mandat précis, qui est d’éviter la répétition d’incidents, et d’aider l’armée libanaise à se déployer. Elles ont rempli ce mandat de façon tout à fait admirable. Oui, ces incidents nous ont surpris par leur nature violente et nous ont amenés à réagir de telle façon qu’on puisse tenter de trouver une explication. En tout cas, éviter que ce type d’incidents ne se répète. Je l’ai déjà dit dans mes rencontres avec des journalistes, les forces de la FINUL ne sont pas des troupes d’occupation, elles ont un mandat international, au bénéfice de la stabilité régionale et au bénéfice du Liban. Ces incidents, qui mettent en péril les forces des Nations Unies, et risquent de conduire à des incidents encore plus graves, soit des blessés du côté de la FINUL, soit des blessés du côté de la population civile, nous souhaitons qu’ils ne se renouvellent pas et je suis plutôt confiant aujourd’hui.
Q : Ils sont visiblement coordonnés, c’est ce que vous avez dit à L’Orient-Le Jour, est-ce que vous accusez le Hezbollah ?
R : J’ai dit visiblement coordonnés. M. Michael Williams a dit orchestrés. Tout cela veut dire un peu la même chose. Disons que la simultanéité de ces incidents et le fait qu’ils se produisent dans une zone relativement restreinte, laissent à penser qu’il y a eu une volonté d’adresser un signal à la FINUL. Maintenant, je ne suis pas là pour accuser un quelconque parti libanais, les diplomates sont faits pour trouver des solutions. Et je crois que, aussi bien le Hezbollah que M. Nabih Berry, et toutes forces politiques libanaises qui ont réagi, sont tous allés dans le même sens, c’est-à-dire ont transmis un message d’apaisement.
Q : Si on remarque que ce point de vue n’est pas partagé avec le Président de la République, le Général Michel Sleiman, qui a pris faits et causes pour les villageois. Je vous cite ce qu’il a dit : « Les exercices militaires ne devraient nullement être exercés à l’intérieur des villages. La FINUL doit défendre le Liban. On est face à deux scénarios ».
R : On peut toujours prendre une déclaration un moment donné, et trouver une autre déclaration qui a un autre sens. Le Président de la République libanaise, le Général Sleiman, a dit ce que vous venez de rappeler mais il a aussi fait d’autres déclarations qui sont des déclarations qui vont dans le sens de l’apaisement.
Q : Comment expliquez –vous que l’armée libanaise ait rejeté le contenu des manœuvres de la FINUL parce qu’elles reposent sur l’éventualité d’une attaque de missiles contre les territoires occupés sans tenir en compte d’ une invasion israélienne contre le Liban ?
R : Je ne suis pas le porte-parole de l’armée libanaise. Posez la question à l’armée libanaise. La FINUL fait ce qu’elle pense devoir faire dans le cadre de son mandat et dans le cadre de ses obligations d’entraînement, de ses obligations opérationnelles pour remplir ce mandat. Elle a pensé que ces exercices étaient nécessaires. Il ne s’agit pas de toujours vouloir tout concilier. Il peut y avoir, à un moment donné, l’utilité de faire un exercice sur un thème particulier. Ce qui n’empêche pas, à une autre occasion, de faire un exercice sur un autre thème. Il était prévu, dans un premier temps, un exercice tournant autour de l’envoi de roquettes sur Israël, et après d’autres exercices de nature différente étaient également prévus. Ce que je voulais simplement dire et réaffirmer, c’est que notre objectif est de favoriser le déploiement de l’armée libanaise. On verra, il y a des engagements qui ont été pris, et nous attendons maintenant qu’ils se concrétisent. Notre autre objectif c’est d’éviter une reprise de la tension et d’un conflit dans cette région. Mais pour l’instant, c’est-à-dire 2006 et depuis la résolution 1701, le Sud vit globalement une situation de calme.
Q : Comment pourriez-vous alors expliquer que la FINUL ait reçu une liste israélienne pour fouiller les communes libanaises, pour fouiller les maisons, et cela a été critiqué par l’armée libanaise ?
R : Je ne peux pas vous laissez dire cela. Je doute fortement que la FINUL ait reçu ce type de liste, et en tout cas, si jamais, à supposer, question hypothétique, qu’elle ait reçu ce type de liste, qu’elle se charge de la mettre œuvre. La FINUL n’est pas l’instrument d’Israël. Elle a une mission, je vous ai donné d’ailleurs tout à l’heure les éléments de cette mission, et elle s’en tient là.
Q : Il y a eu une interprétation équivoque de la 1701. Quand vous demandez de respecter la liberté de mouvement de la FINUL, est-ce que cette liberté permet à la FINUL de réagir ou bien de faire ces opérations à l’insu de l’armée libanaise ?
R : A l’insu non, parce que la FINUL n’a rien à cacher a priori à l’armée libanaise, au contraire, la FINUL se doit d’être transparente vis-à-vis de l’armée libanaise. Simplement ce que nous considérons, et je le répète encore solennellement devant tous nos téléspectateurs, c’est que il n’existe pas d’opération de maintien de la paix - parce qu’il s’agit d’une opération de maintien de la paix - sans liberté de mouvement. Quel serait le sens d’une opération de maintien de la paix, si des soldats qui ont la tâche difficile de mettre en œuvre cette opération, sont cantonnés dans des casernes, ou dans des bases militaires. Cela n’aurait strictement aucun sens. Il faut que la FINUL puisse remplir son mandat. Il faut qu’elle puisse se déplacer, avec l’armée libanaise à chaque fois que c’est possible, sans l’armée libanaise, si cela n’est pas possible. Nous préférerions évidemment qu’il puisse y avoir une plus grande coordination entre l’armée libanaise et la FINUL. Je crois que cette coordination existe. Mais il arrive un moment où, pour des raisons qui sont propres à l’armée libanaise, et pour des raisons qui sont propres à la FINUL , la FINUL peut considérer qu’elle peut aller de l’avant, parce qu’il en va de sa crédibilité. Je rappelle que le mandat de la FINUL, c’est d’abord une forme de dissuasion contre tout acte hostile dans cette région si difficile et compliquée.
Q : Ah très bien, malgré cela, on voit les violations israéliennes de l’espace aérien libanais, par les avions de reconnaissance israéliens, on ne voit aucun effort onusien de s’opposer par force à ces survols.
R : Pour la France, les choses sont très claires : nous estimons que ces survols israéliens du territoire libanais sont une infraction en violation de la lettre et de l’esprit de la résolution 1701. Nous le disons à chaque fois. Et vous le retrouverez également dans les rapports des Nations Unies sur la mise en œuvre de la 1701. Je crois que les choses sont claires.
Q : Bien avant ces incidents, Monsieur l’Ambassadeur, entre la population et la FINUL bien sûr, et selon le journal As Safir, le Chef de l’État Major Lafontaine est accusé de troubler les rapports avec la population et d’être inutilement hostile. Aujourd’hui il est remplacé par un autre général, avant que le terme de son mandat n’expire. Est-ce qu’il y a un lien ?
R : Je réponds : fantasme ! C’est absolument n’importe quoi. J’ai beaucoup de respect pour la presse libanaise parce qu’elle est libre, le Liban est un pays où il y a la liberté de la presse et ce n’est pas un vain mot. L’avantage, c’est qu’on trouve d’excellents articles. L’inconvénient, c’est que parfois, on y lit des choses qui ne sont pas vraies. Le Général Lafontaine est un très bon soldat. Il a rempli son mandat. Son mandat était d’une année. Personnellement je trouve qu’une année c’est très court pour saisir toute la complexité de la région. Il était prévu qu’il parte début juillet, et tout ce qui s’est dit sur un départ précipité, sur son remplacement accéléré par un autre Général, n’a strictement aucun sens. Je vous assure. Sa relève était prévue, il a fait un bon travail et je tiens à lui rendre hommage. C’est un soldat qui a mis en œuvre des instructions, des règles d’engagement qui étaient fixées et qui étaient donc les siennes. Je rappelle également, parce que c’est important, qu’on tend à singulariser le contingent français. La FINUL a une responsabilité militaire et politique qui est partagée par la communauté internationale. C’est celle-ci qui a souhaité que la FINUL soit là. Les règles d’engagement, les règles d’action qui ont été fixés sont les mêmes pour tous les contingents. Le contingent français, de ce point de vue, ne se différencie pas. Il y a une même mission, un même drapeau des Nations Unies, un même fameux béret bleu clair. Nous travaillons dans le même cadre, qui est la mise en œuvre de la 1701.
Q : Votre Excellence, on va aborder la question de la France et le tandem Amal-Hezbollah. le député du Hezbollah, Nawwaf El-Moussaoui a qualifié les relations avec la France comme étant en dents de scie. Elles avancent, elles reculent, et ce, à cause de la relation que la France entame avec Israël . Qu’en dites-vous ?
R : Je ne comprends pas très bien ce qu’il a voulu dire. Je ne pense pas qu’il y ait une relation en dents de scie entre la France et le Liban. Je crois, au contraire, que ces relations s’inscrivent dans une grande continuité, et que la France a toujours été aux côtés du Liban dans les jours difficiles comme dans les jours plus heureux, et on souhaite qu’il y ait plus de jours heureux évidemment. Quant à la relation avec Israël, je crois que le Président de la République M. Sarkozy a toujours été très clair. La France attache du prix à la sécurité de l’État d’Israël, en même temps, elle pense que sa sécurité ne pourra être réelle et effective sans paix avec les pays voisins, en particulier tant qu’il n’y aura pas un État palestinien. Nous avons toujours défendu le fait que la principale question qui perturbait le Proche-Orient et qui avait des conséquences très négatives dans beaucoup de pays du Proche-Orient, était l’absence de solution à la question israélo-palestinienne. Et nous pensons à la création d’un État indépendant, digne, démocratique, viable surtout. La France a toujours été à la pointe de la définition de cet État, et je crois que la France, au côté de ses partenaires européens, sera prête également, le moment venu, à apporter des garanties pour que cet État puisse vivre normalement au cœur du Moyen-Orient. Je crois que la position du Président Sarkozy est équilibrée : il a un attachement à la sécurité d’Israël, il a un attachement à la réalisation des droits légitimes du peuple palestinien. Et nous avons beaucoup poussé aussi pour que l’Union Européenne prenne une position claire, par exemple sur Jérusalem. Nous disons que Jérusalem doit être partagée. Elle doit être la capitale de deux Etats, ce qui veut dire, si on prend les bonnes lunettes pour lire les déclarations officielles, que Jérusalem soit aussi la capitale de l’Etat palestinien. Donc, je ne vois pas très bien ce que veut dire M. Moussaoui, mais je prends note de sa déclaration.
Q : Est-ce qu’il y a un contact direct aujourd’hui entre les responsables politiques français et les responsables du Hezbollah. A quand remonte la dernière rencontre entre les deux parties ?
R : Je ne peux pas vous le dire précisément, mais ces contacts ont toujours été réguliers. Je vous rappelle d’ailleurs que c’est Bernard Kouchner qui avait invité - et il avait été critiqué à l’époque et ce n’était pas une décision aussi facile à prendre- le Hezbollah, comme tous les autres partis libanais, à Rambouillet pour essayer de trouver une solution politique à la crise que traversait à l’époque le Liban. Depuis, ces contacts avec le Hezbollah n’ont jamais cessé. Beaucoup de parlementaires en mission, de ministres français, et en tout premier lieu évidemment Bernard Kouchner, lorsqu’ils viennent au Liban, rencontrent les responsables du Hezbollah. Lors de sa dernière visite, il ne l’a pas fait parce qu’il n’est resté que quelques heures à Beyrouth et n’a pas rencontrer que le Premier Ministre et le Président de la République. Mais nous n’avons strictement aucune prévention et aucune objection à ce que les officiels français rencontrent le Hezbollah. Je le fais moi-même à mon niveau et nous sommes en contact permanent avec le Hezbollah. Nous considérons que c’est un parti politique qui participe à la démocratie libanaise en participant aux élections. Il a des élus au parlement, il fait par surcroît partie du gouvernement d’Union nationale et nous avons des relations, des relations d’échange et de coopération avec ce gouvernement. Mes instructions sont très très claires : pour l’Ambassadeur de France, il s’agit de parler à toutes les parties libanaises, y compris le Hezbollah.
Q : On passe à l’accord de coordination sécuritaire entre le Liban et la France. Le tandem Amal-Hezbollah veut que le mot terrorisme soit clairement défini dans le texte ou que toute clause qui évoque la lutte anti-terroriste soit supprimée. Le porte-parole du Ministère des Affaires étrangères, M. Valéro, a déclaré que cet accord est classique. Est-ce vous êtes contre toute modification de l’accord ?
R : Je pense qu’il faut regarder cet épisode avec un peu de recul et de sérénité. Le Président du Conseil des Ministres, M. Saad Hariri, est allé à Paris en janvier. Dans la perspective de sa visite un certain nombre d’accords ont été discutés entre le gouvernement libanais et le gouvernement français, parmi lesquels cet accord de sécurité qui porte sur beaucoup d’aspects, y compris par exemple la défense civile. Les discussions ont été productives, et les ministres de l’Intérieur, M. Ziyad Baroud, et M. Hortefeux, pour la France, ont signé cet accord en marge de la visite de Saad Hariri. Cet accord a été soumis à l’approbation du Conseil des ministres libanais qui, je le rappelle, est un gouvernement d’union nationale. A l’époque, nous n’avons pas entendu d’objection. Maintenant, comme dans tout pays démocratique, où il y a une procédure de contrôle des accords et traités internationaux par le parlement, l’accord a été transmis au parlement libanais comme il le sera plus tard pour ratification au parlement français. Et là, dans les commissions parlementaires, l’ensemble des députés du Hezbollah et de Amal, et peut-être d’autres, aussi ont émis des objections. Cela fait partie, du cours normal de la vie d’un accord entre sa conception et le moment où il est ratifié. M. Baroud a fait une proposition, je crois, devant la commission compétente du parlement libanais. M. Nabih Berry s’est aussi beaucoup impliqué pour essayer de trouver une solution. Vous savez qu’elle est cette solution qui est que le Liban, dans sa conception du terrorisme, se réfèrera à la définition du terrorisme telle qu’elle a été donnée en 1998 par la Ligue Arabe. La France, pour sa part, n’a jamais donné de définition au terrorisme. Par contre, elle est partie à des conventions internationales qui traitent de ces questions.
Q : Pouvez-vous me donner aujourd’hui une définition du terrorisme ? Selon vous selon la Franc, par exemple : est-ce que le Hezbollah peut ouvrir des comptes bancaires en France .
R : Honnêtement je ne vais pas m’amuser à donner une définition (m’amuser c’est une façon de parler !) du terrorisme alors que mon gouvernement ne le fait pas. Je pense qu’il y aura une solution, qui sera trouvée. Vous savez, cet accord est un accord cadre. Une chose est sûre, c’est que cet accord doit être approuvé par le Conseil des Ministres, approuvé par le parlement et ratifié. Il y a un accord inter-gouvernemental qui suit son cours et doit être soumis au Parlement. C’est tout. On est dans le cadre des procédures habituelles. Pour l’instant il n’y a rien qui nous étonne. Certains parlementaires libanais ont soulevé des objections, ils sont dans leur droit. Ce qui serait bien c’est qu’une solution soit trouvée. Mais je voudrais dire que cet accord est un accord cadre dans la mesure où rien ne peut se faire contre l’avis de l’autre partie. C’est une sorte d’accord à la carte. S’il y a un type de coopération qui ne convient pas au Liban, on ne le fait pas. Il faut nécessairement que les deux parties se rencontrent pour que l’accord ait une vie.
Q : Vous venez de parler du Chef du parlement libanais Nabih Berry qui voudrait amender le texte et donner une définition libanaise du terrorisme. Il estime que la définition donnée par la Ligue arabe n’est pas suffisante parce que les Arabes peuvent changer selon lui.
R : Mais les Libanais ne peuvent pas changer ?
Q : Est-ce que la France pourrait un jour ajouter le Hezbollah à sa liste des organisations terroristes ? C’est cela la question.
R : La facilité ce serait de vous répondre, comme on répond pour ce type de question, que c’est une question hypothétique. Si on commence à échafauder des scénarios à plusieurs inconnues dans l’avenir, on ne s’en sort pas ! Ce que je peux vous dire c’est que la France a résisté à des demandes de certains pays, il y a quelques années, pour que le Hezbollah soit mis sur la liste des organisations terroristes, et je n’ai pas connaissance d’une quelconque disposition du gouvernement français à changer de position.
Q : Vous avez des accords avec Israël. Est-ce que ces accords permettent au service de sécurité israélien d’avoir un accès aux informations collectées par le service de sécurité libanaise, ce , après les accords sécuritaires entre le Liban et La France.
R : Là je vais être très très franc. Vous me posez une question à laquelle je ne peux pas répondre. Je ne connais pas ces accords. Je ne connais pas leurs dispositions et je ne connais pas le type de coopération qui peut exister. Mais la France entretient des relations de coopération avec beaucoup de pays, beaucoup de services, comme c’est normal. Cette coopération est plus ou moins étendue, plus ou moins détaillée, et nous entretenons d’ailleurs une coopération avec les différents services libanais.
Q : La France et les partis libanais. On a vu le Patriarche Sfeir à Paris dans le cadre d’une visite officielle suivie du Dr. Geagea qui a rencontré le chef de la diplomatie française, M. Bernard Kouchner. Est-ce par hasard que ces deux visites ont eu lieu en même temps ?
R : Et bien oui c’est par hasard, parce qu’il arrive des hasards dans la vie. Il se trouve que M. Geagea, qui faisait une tournée, d’abord en Égypte, ensuite en Espagne, s’est trouvé à Paris au moment où le Patriarche Sfeir se trouvait à Paris. Cela ne l’a pas empêché donc d’être reçu par Bernard Kouchner.
Q : Où en est-on aujourd’hui de la visite officielle du Général Aoun à Paris, le Chef du Courant Patriotique libre ?
R : J’ai pas eu vent d’un projet en ce sens. Je lis la presse, mais pour l’instant, je ne suis pas informé d’une quelconque date. Cette visite se fera peut être un jour. Mais pour l’instant je ne suis pas informé d’une visite prévue.
Q : Mais selon le journal Al Hayat, la France a ajourné la visite du Général Aoun pour accueillir le Patriarche Sfeir avant lui.
R : Eh bien, il faut que je lise plus souvent le journal Al Hayat !
Q : La France est critiquée d’adopter une politique discriminatoire. Elle est proche des uns ; loin des autres. Qu’en dites-vous ?
R : Je ne crois pas. Je crois que c’est peut être ce que pensaient beaucoup de Libanais de la politique qui était suivie jusqu’à présent. Je crois que la situation politique au Liban a profondément changé. Comme je l’ai dit tout à l’heure, mon rôle c’est de parler à tous les Libanais. Je crois qu’il y a des symboles qui sont très forts. Le fait que le Président Sleiman se soit rendu en visite d’État en France, c’est très important. Le fait qu’il ait invité le Président Sarkozy à venir au Liban pour une visite d’État c’est également important. Le fait que M. Saad Hariri soit venu en visite officielle, durant laquelle plusieurs accords ont été signés, c’est aussi une chose importante. Nous attendons la visite de M. Nabih Berry. Dans une période relativement courte, finalement les trois Présidents, comme on dit au Liban, seront venus en France. La visite du Cardinal Sfeir était très importante pour moi, et pour les autorités françaises. Parce que je crois qu’il n’y a pas de grand pays qui ne respecte pas son histoire. Et même si aujourd’hui le Liban a changé, même si nous avons à cœur de, encore une fois, parler à toutes les parties libanaises, il existe aussi des fidélités historiques, des liens du cœur qui restent importants. Il était important d’entendre le Patriarche, et sa visite a été très réussie.
Q : Le Chef du Courant Patriotique libre Michel Aoun a fait part d’un scénario de guerre au Liban, lié au TSL, tribunal spécial pour le Liban, et ce d’après les sources diplomatiques occidentales.
R : Tous les jours je lis qu’il y a des sources occidentales qui ont évoqué telle ou telle hypothèse. Quand on lit la presse libanaise, ou régionale, on lit tout et son contraire ! Je ne pense pas qu’il y ait un risque de conflit régional. Je ne pense pas qu’il soit dans l’intérêt d’Israël de s’engager dans un conflit avec le Liban et je crois que c’est n’est pas non plus l’intérêt du Liban, de toutes les parties libanaises. Je n’ai pas d’inquiétude particulière et je pense que j’exprime un point de vue assez dominant. Les visiteurs étrangers qui sont là à Beyrouth, dans l’ensemble, transmettent un message rassurant, c’est le message d’ailleurs qu’a transmis Bernard Kouchner quand il est venu il y a un mois et demi ou deux mois au Liban. Maintenant, quelles seront les conséquences du TSL, je n’en sais rien. Ce qui compte pour la France c’est que le TSL puisse travailler en toute indépendance, c’est pour cela qu’il a été créé. Je n’ai pas idée des conclusions que va tirer le juge Bellemare, le procureur, de son enquête et du type de mises en accusation qui vont être publiées. Nous, notre position a été de faire confiance à la justice internationale, d’attendre qu’elle prenne ses décisions. Et je crois qu’il faut passer un message de sérénité parce qu’il est de l’intérêt de tous les pays de connaître la vérité sur ce qui s’est passé, et que c’est l’intérêt de tous de refuser l’impunité .La tendance dans le monde actuel c’est au rejet de l’impunité. On le voit bien avec la création de la Cour pénale internationale, où des tribunaux spécialisés comme celui sur le Ruwanda. Le sujet de l’impunité est devenu une problématique internationale. Parfois il faut connaître la vérité pour mieux accepter le passé et préparer l’avenir.
Q : Votre Excellence comment évaluez-vous la visite éventuelle du Président syrien Bachar El-Assad au Liban, il vient dans le cadre d’un contexte politique instable, il y a les menaces israéliennes contre le Liban, il y a le dossier nucléaire iranien, il y a l’affaire du processus de paix. Comment voyez-vous tout cela ?
R : Je crois qu’il faut voir cette visite éventuelle, qui n’est pas encore confirmée mais dont tout le monde parle, dans le cadre d’abord syro-libanais. Un rapprochement a eu lieu entre la Syrie et le Liban. Un ensemble de questions en suspens, de contentieux même qui doivent être réglés entre les deux pays, je pense par exemple à la délimitation des frontières ou à la question des disparus. La révision des accords a progressé ces deux derniers jours. Il y a beaucoup de sujets à traiter entre le Liban et la Syrie. Vous savez que la France a accueilli très positivement ce rapprochement, elle a même essayé, dans la mesure de ses moyens de le favoriser. Je crois qu’on peut dire aussi que c’est grâce à son action que des relations diplomatiques ont été établies entre les deux pays. La visite du Président Assad à Beyrouth présenterait beaucoup d’avantages dans ce cadre là, parce qu’elle viendrait consacrer des progrès enregistrés dans la relation entre la Syrie et le Liban. Le Premier Ministre Hariri s’est rendu à plusieurs reprises à Damas. Il serait normal, entre États indépendants et se respectant mutuellement, qu’il y ait des visites en retour de haut niveau. Donc, je crois que cette visite, quand les conditions seront mûres, mais il ne m’appartient pas de les apprécier et cela fait partie du dialogue entre la Syrie et le Liban, que ce serait un signal positif de la normalisation des relations entre les deux pays.
Q : Certains disent que la France a limité son ouverture à Damas, certains disent le contraire, en février 2010 le Premier Ministre français s’est rendu à Damas, lors de sa visite, il a, pour ne pas dire stipulé, il a lié les relations franco-syriennes aux efforts de Damas pour le processus de paix et pour le dossier nucléaire iranien. Il a dit, permettez-moi de le citer : Pour que la situation s’améliore, il faut que chacun fasse ses efforts. Est-ce que la Syrie a fait ses efforts ?
R : Je pense que quand le Premier Ministre Fillon a fait cette déclaration, il voulait dire que la Syrie a un rôle important à jouer sur le plan régional. Si vous regardez la carte, entre l’Iraq et sa situation si complexe, la problématique libanaise, la question israélo syrienne, on s’aperçoit bien que la Syrie a une place centrale au Proche-Orient et qu’il est inutile, et c’est la conclusion à laquelle est arrivé le Président Sarkozy, de l’ignorer comme cela a été fait un certain moment. Il est plus utile de lui parler, d’essayer d’avoir un dialogue aussi positif et qui produise des résultats que d’ignorer une réalité. Bien sûr, nous attendons des choses de la Syrie. Nous attendons un comportement positif sur les sujets que j’ai évoqués. Nous accueillons très positivement le rapprochement entre la Syrie et le Liban, à condition bien évidemment que les relations entre les pays soient des relations de respect mutuel, respectant l’indépendance de chacun et que rien ne soit imposé au Liban.
Q : Le Président iranien, on a su, viendra bientôt au Liban. Est-ce qu’on voit aujourd’hui ce qu’on appelle l’augmentation de l’influence des pays de la résistance passive face à une éclipse partielle de l’influence des pays occidentaux dont la France fait partie ?
R : Je pense que quand on appréhende la situation dans une région aussi diverse et compliquée que le Proche-Orient, il faut prendre tout en considération. Bien sûr on peut mettre en avant les relations entre la Syrie, l’Iran et le Hezbollah, mais on peut aussi considérer la question sous un autre angle. Par exemple, tout le monde est frappé par le rôle que joue aujourd’hui la Turquie dans la région. Et la Turquie est évidemment un acteur essentiel dans la région. Pas seulement au Proche-Orient d’ailleurs, mais également vis-à-vis de l’Europe, et de l’Asie centrale. C’est un pays qui a des relations de voisinage avec la Syrie, des relations de voisinage avec l’Iran. Je pense que pour qu’il y ait un plus quelque part, il n’y a pas forcément un moins ailleurs. Les pays occidentaux jouent le rôle qui doit être le leur. Ils essaient de soutenir une reprise des discussions de paix. La France comme la Turquie, souhaitait des négociations entre la Syrie et Israël en vue de l’évacuation du Golan. Nous souhaitons également, et nous agissons pour cela que la question de Ghajar par exemple, qui concerne directement le Liban soit résolue. Je pense qu’il faut se garder d’une lecture simpliste qui ferait qu’il y aurait l’émergence d’une sorte d’axe, parce que vous savez, on a connu le front du refus « Jabhat El Soumoud » etc.. On adore dans cette région du Proche-Orient ce type de lecture. On vit dans un monde global où chacun est influencé par l’autre et influence les autres, c’est vrai dans la région mais cela se joue également ailleurs, aux Nations Unies, et dans tous les forums internationaux. Aussi je mets en garde contre une lecture un peu automatique qui ferait qu’on peut isoler tel aspect par rapport à tel autre. Et puis je crois que l’Union Européenne essaie de jouer un rôle.. Ce n’est pas facile parce que nous sommes 27 et qu’il faut prendre des décisions ensemble. Le traité de Lisbonne qui vise précisément à lui donner plus de la visibilité, et on voit que Mme Ashton par exemple est à Gaza. En ce qui concerne le Président Sarkozy, je pense qu’il est très sincère dans sa volonté, comme je l’ai dit tout à l’heure, de voir l’avènement d’un État palestinien. Aujourd’hui des pourparlers indirects ont lieu sous l’égide des Américains entre Israéliens et Palestiniens. Est-ce qu’il y aura des pourparlers directs ? Je ne le sais pas, mais nous sommes prêts, avec d’autres pays, à soutenir ces efforts. Nous ne pouvons pas nous résoudre à ce que la question palestinienne ne progresse pas, ce n’est pas possible.
Q : Votre Excellence vous avez parlé du rôle de la Turquie dans cette région. Mais pourquoi vous n’avez pas soutenu l’accord Brésil-Turquie-Iran ? Vous étiez derrière l’endurcissement des sanctions contre l’Iran. Vous êtes accusés d’avoir joué un rôle injuste dans la région.
R : Il faut voir les choses telles qu’elles sont. Nous n’avons pas condamné cet accord, au contraire. Nous avons considéré que les efforts faits par le Brésil et la Turquie étaient tout à fait louables. Le Président Sarkozy a bien veillé, dans ses relations le Président Lula, avec les dirigeants turcs, à les soutenir. Nous pensons que leur contribution est positive. Il est toujours préférable que certains pays parviennent à des résultats avec l’Iran, plutôt qu’il ne se passe rien. Simplement, ce que nous disons, c’est que cet accord, quelles que soient ses qualités, ne remplit pas ce que nous attendons de l’Iran. Il y a des résolution du Conseil de sécurité, et de l’agence internationale de l’énergie atomique, laquelle a souvent pris des positions unanimes, demandant à l’Iran de cesser ses activités d’enrichissement. Il est vrai qu’une partie de l’uranium, avec l’accord avec la Turquie et le Brésil, pourrait être traité en dehors des frontières de l’Iran, mais en même temps l’Iran a annoncé quasiment immédiatement qu’il allait poursuivre l’enrichissement à 2 opc. On voit bien que cet accord, aussi méritoire soit il, n’épuise pas la question, ne résoud pas les questions qui ont été posées par la communauté internationale à l’Iran. Je vais revenir sur notre position vis-à-vis de l’Iran. Nous considérons que c’est un pays important, qui a des intérêts légitimes et qui doit pouvoir avoir accès à l’énergie nucléaire à usage pacifique. Mais l’Iran ne respecte pas ses obligations au titre du traité de non prolifération nucléaire et cette politique ne peut pas être acceptée. Ce que nous voulons, à travers les sanctions, ce n’est pas appliquer des sanctions pour des sanctions, mais ramener l’Iran au dialogue.
Q : Pourquoi vous ne traitez pas Israël à égalité avec l’Iran ? Pourquoi vous ne posez pas des questions sur l’arsenal atomique israélien ?
R : C’est une question qui a été abordée lors de la dernière conférence de révision du TNP. Il doit y avoir une conférence en 2012, et il a été indiqué que la question israélienne sera évoquée à ce moment là.