Le 14 juillet à la Résidence des Pins
Retrouvez l’allocuation prononcée par l’Ambassadeur Bruno Foucher à l’occasion de la célébration de la fête nationale à la Résidence des pins.
Monsieur le Ministre Sélim Jreissati, représentant le président de la République,
Docteur Mahmoud Berri, représentant le président de la Chambre des députés,
Monsieur le Ministre Adel Afiouni, représentant le président du Conseil des ministres,
Madame l’Ambassadrice Najla Assaker, représentant le ministre des Affaires étrangères et des Emigrés,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Mesdames et Messieurs les ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs les députés,
Messieurs les représentants des communautés religieuses,
Messieurs les officiers généraux,
Mesdames et Messieurs les élus de la communauté française - je voudrais saluer la présence parmi nous de nos élus ou anciens élus de la représentation nationale, ainsi que de nos élus consulaires, qui sont à mes côtés ce soir,
Mesdames et Messieurs, chers compatriotes et chers amis libanais,
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Je suis très heureux de vous accueillir ce soir à la Résidence des Pins, ce lieu chargé d’histoire où Français et Libanais aiment à se retrouver pour célébrer leur amitié ancienne.
Je suis heureux de vous y accueillir, pour la 3ème fois depuis mon arrivée au Liban, en ce 14 juillet, date qui nous rappelle, chaque année, la nécessité de lutter sans relâche pour défendre les trois valeurs cardinales de notre République, trop souvent malmenées dans le monde actuel : la liberté, l’égalité et la fraternité.
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Mesdames et Messieurs,
Les défis auxquels nous sommes tous confrontés aujourd’hui, en interne comme à l’international, se sont accrus au cours de l’année passée. Les valeurs d’ouverture et d’accueil, qui sont en principe l’apanage des démocraties, se heurtent à la tentation croissante du repli sur soi. Ces valeurs sont dénigrées par les populistes de tous bords, qui voudraient convaincre les peuples que l’on peut défendre ses intérêts sans tenir compte de ceux des autres. La paix et la stabilité internationales sont constamment menacées. Le Moyen-Orient le sait bien qui a connu, et qui connaît encore, tant de conflits. Seul un retour au dialogue et la retenue pourront empêcher un engrenage fatal. C’est dans cette optique que le Président Macron accueillera, à l’automne, à Paris, le 2ème Forum pour la Paix, afin de réfléchir ensemble, et avec la société civile, à des solutions concrètes, pour que nous puissions tous continuer à vivre ensemble.
Dans ce contexte difficile, le Liban est parvenu à maintenir son unité, sa stabilité et son ouverture au monde. Ce n’est pas rien. Seul le respect de la politique de dissociation permet au Liban de rester à l’écart des conflits, notamment de celui qui fait rage depuis plus de 8 ans dans la Syrie voisine.
Sur le plan sécuritaire, les forces armées et de sécurité intérieure libanaises - dont je salue la mobilisation de tous les instants – ont su, depuis quelques années, préserver le pays des violences extérieures et de la menace terroriste. Je n’oublie pas la récente attaque survenue à Tripoli. Je salue d’ailleurs la mémoire des quatre soldats et policiers qui ont perdu la vie pour neutraliser l’assaillant et défendre leurs concitoyens. Limitée et ciblée, cette attaque ignoble ne saurait toutefois faire oublier le haut niveau de sécurité dont profite le pays depuis l’opération menée à l’été 2017 dans le Nord-est.
Sur le plan humanitaire et social, le Liban a accueilli, avec une grande générosité et un soutien international marqué, de très nombreux réfugiés syriens ayant fui la guerre et les violences. La plupart de ces réfugiés souhaitent rentrer chez eux. Il ne faut pas les en dissuader. Une grande majorité n’envisage toutefois pas ce retour à court terme. Pourquoi ? Parce qu’ils craignent tout simplement que leur sécurité ne soit pas garantie en Syrie. La France, comme les autres pays soutenant le Liban pour faire face à cette crise, souhaitent eux aussi que les réfugiés syriens puissent rentrer dans leur pays. Mais nous pensons que la clef de ces retours se trouve à Damas. Or Damas n’a pas démontré, au cours de l’année écoulée, de réelle volonté de faciliter ce mouvement. Il a refusé de mettre en place des mesures de confiance minimales. Je ne vous cache pas mon inquiétude – qui est aussi celle de la communauté internationale – face aux discours de haine et de rejet, qui se développent à l’encontre des réfugiés. L’on n’a jamais résolu de problème, si sensible soit-il, en attisant la violence et les clivages. Le Liban s’honore lorsqu’il incarne l’ouverture. La communauté internationale restera à ses côtés, autant que nécessaire, pour l’aider à continuer à faire face à cette situation qui ne doit pas s’éterniser.
Sur le plan politique, le Liban s’est doté, fin janvier, d’un gouvernement, qui s’est aussitôt mis « au travail » comme il s’est lui-même baptisé, afin de rattraper les mois perdus en 2018. De premières mesures de réformes importantes ont été adoptées ou esquissées, notamment dans le secteur de l’électricité. Un budget devrait bientôt être voté par le Parlement pour 2019, qui prévoit une réduction du déficit budgétaire et une inversion de la tendance de la dépense publique. Nous espérons que ce budget pourra être mis en œuvre. Il en va de la capacité du Liban à renouer avec la croissance et à endiguer le fléau de la dette, qui pèse sur les générations futures. Les discussions sur l’élaboration du budget 2020 devraient bientôt débuter. Nous souhaitons qu’elles soient l’occasion d’aller beaucoup plus loin dans la mise en œuvre des réformes attendues par tous les Libanais.
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Mesdames et Messieurs,
Puisque j’évoque les réformes, permettez-moi de vous dire la conviction profonde qui est la mienne mais aussi celui de mes autorités et, je crois pouvoir le dire, de tous les amis du Liban : ces réformes sont l’unique voie à emprunter pour que le Liban se tourne résolument vers le futur, le développement, la modernité et l’efficacité. Pour que les jeunes Libanais, si éduqués, si talentueux et si polyglottes, aient envie de rester ou de revenir ici et de mettre leurs qualités et leur énergie au service de leur pays. Pour que les entreprises étrangères, françaises au premier chef, investissent dans le pays. Enfin, pour que le Liban conjure définitivement le spectre d’une crise économique, si souvent crainte et si souvent, par miracle, évitée.
Réunis à Paris en avril dernier dans le cadre de la conférence CEDRE, les partenaires du Liban, en particulier la France, ont exprimé, de la manière la plus forte qui soit, le soutien qu’ils étaient prêts à accorder au Liban pour l’accompagner dans la voie des réformes. L’approche de CEDRE est celle du partenariat entre le Liban et la communauté internationale. Un partenariat bienveillant. Mais aussi un partenariat exigeant. Pour être mis en œuvre, il importe que la plus grande confiance règne entre les deux parties. Or cette confiance ne peut se nourrir que d’actes résolus et de mesures concrètes. La situation économique actuelle, difficile, requiert une action déterminée du Liban pour s’attaquer sans attendre aux maux anciens et profonds dont souffre son économie. Les accommodements et les demi-mesures ne sont plus de mise.
Le Président Macron, vous le savez, est à l’origine de la conférence CEDRE. Il s’est également beaucoup mobilisé pour faire de Rome II, la conférence d’appui aux forces de sécurité libanaises, un succès. Il a ainsi à cœur que ces deux processus, gages d’un Liban fort et prospère, réussissent. Nous y travaillons sans relâche avec les autorités libanaises.
Mesdames et Messieurs,
En matière de sécurité, la France est porteuse d’une grande ambition pour le Liban. Je le disais en ouverture, les forces de sécurité libanaises jouent un rôle essentiel pour préserver la stabilité du pays et affirmer sa souveraineté et son indépendance. La France a offert, à Rome, l’ouverture d’une ligne de crédit de 400M d’euros. Celle-ci vise à doter le Liban d’une véritable marine, à même d’assurer ce que l’on appelle l’action de l’Etat en mer, notamment dans sa zone économique exclusive, qui contient des richesses à ce jour inexplorées.
Nous appelons de nos vœux la finalisation rapide de ce projet, qui s’inscrit dans un partenariat de longue date. Un partenariat fait d’échanges permanents et de coopérations denses à l’image du récent exercice naval « Cèdre bleu », qui a engagé le porte-hélicoptère français « Dixmude » et la frégate « Guépratte », ainsi que 1000 militaires libanais et français.
Hier, la frégate « Aconit » est arrivée dans le port de Beyrouth. Il s’agit de la 28ème escale d’un navire français au Liban depuis 2015. Je salue d’ailleurs la présence parmi nous ce soir de membres de son équipage et de son commandant.
Ces chiffres parlent d’eux-mêmes. Ajoutés aux dons d’équipements et aux coopérations dans les secteurs les plus variés et les plus sensibles, ils traduisent la force de notre coopération de défense avec le Liban, partenaire important pour la France en Méditerranée orientale.
N’oublions pas la forte participation de la France à la FINUL. Je salue également la présence de représentants du contingent français (près de 700 hommes) présents ici ce soir. Le Sud du Liban jouit d’une grande stabilité depuis 13 ans, depuis le déploiement d’une FINUL renforcée, en appui aux forces armées libanaises, après le conflit meurtrier de l’été 2006. Permettez-moi de saluer le rôle déterminant joué par la FINUL pour apaiser les tensions qui surgissent épisodiquement dans la zone. Nous espérons que la question de la délimitation de la frontière terrestre et maritime au Sud connaitra des avancées dans les prochains mois. Cela constituerait un message de paix fort dans une région soumise à de grandes tensions.
Mesdames et messieurs,
Je voudrais terminer par un message d’espoir et de confiance à l’adresse de la jeunesse libanaise. Une jeunesse extrêmement bien formée, incroyablement créative et entreprenante, qui se distingue aussi par son plurilinguisme. Cette jeunesse est le réservoir de croissance du Liban de demain !
Vous disposez au Liban d’une offre de formation de haut niveau. La France y a largement contribué, depuis longtemps, et nous allons continuer. Non seulement pour permettre au Liban d’accueillir dans ses écoles publiques le plus grand nombre d’enfants mais aussi pour renforcer la qualité du système éducatif, public comme privé, en particulier de la filière francophone.
Nous le faisons à travers l’Agence française de Développement, qui multiplie les projets en ce sens.
Nous le faisons à travers nos contributions multilatérales, qui ont notamment permis de lancer en 2019, grâce au ministère de l’Education, un vaste programme de remise à niveau de la filière francophone. Celle-ci a trop eu tendance à régresser ces dernières années. Elle ne sera véritablement consolidée que le jour où pourra avoir lieu une réforme des programmes et des examens, aujourd’hui défavorables à cette filière.
Nous le faisons à travers l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger : nous avons au Liban plus de 60 000 élèves scolarisés dans le système scolaire français - un record dans le monde s’expliquant par l’excellence de notre offre éducative et l’enracinement de la langue française au Liban -. Nous comptons doubler ce chiffre d’ici 2030. Je suis d’ailleurs heureux de vous annoncer que plusieurs nouvelles écoles rejoindront notre réseau à la rentrée prochaine.
N’oublions pas l’enseignement supérieur. Tout en continuant à soutenir les universités du pays, nous souhaitons accueillir plus d’étudiants libanais en France. Je voudrais rappeler que 40% des étudiants libanais à l’étranger ont choisi la France. Celle-ci est leur premier pays d’accueil. Malgré la hausse des frais de scolarité dont on a beaucoup parlé mais qui reste tout de même assez modérée, le mouvement continue à s’amplifier. Je veux attirer votre attention sur la décision prise par la France d’élargir les possibilités d’octroi de titres de séjour dans les quatre années qui suivent l’obtention d’un master en France. Cette décision va faciliter les allers-retours entre la France et le Liban, ce qui est notre objectif commun.
Tout ceci, nous le faisons pour le Liban et nous le faisons pour la France : pour renouveler les liens humains entre la France et le Liban, des liens qui se construisent à l’école, à l’université, à travers les réseaux des anciens. Des liens qui sont le ciment de la relation unique entre nos deux pays.
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Mesdames et Messieurs,
En ces temps délicats, sur le plan économique et sur le plan régional, le Liban sait pouvoir compter sur la France. La France compte aussi sur le Liban pour mener à bien les projets engagés ensemble. Notre relation si étroite et si intime est un facteur de stabilité et de développement inestimable. Je vous remercie tous ici présents – officiels, élus, entrepreneurs, associations ou simples citoyens francophones ou francophiles - de la faire vivre.
Je remercie la formation musicale des Forces de sécurité intérieure, dirigée par le Lieutenant-colonel Antoine Tohmé, ainsi que la chorale de l’Université Antonine dirigée par le père Toufic Maatouk, qui ont magnifiquement interprété les hymnes nationaux.
Je voudrais conclure en rendant un hommage ému au Directeur de l’Ecole supérieure des Affaires, M. Stéphane ATTALI, qui nous a quittés récemment. Stéphane était quelqu’un d’exceptionnel et d’une générosité sans bornes. La relation franco-libanaise lui doit beaucoup.
Vive la France ! Vive le Liban ! Vive l’amitié franco-libanaise !